Le 31 mars 2025, la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale a été condamnée à une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire. Cette décision judiciaire, qui pourrait l’écarter de la course à la présidentielle de 2027, rebat totalement les cartes du jeu politique français. Analyse des conséquences et des réactions à ce séisme politique majeur.
La chute brutale de Marine Le Pen et l’approbation silencieuse des Français
« La grille de l’Élysée n’a jamais paru aussi proche de s’ouvrir à Marine Le Pen », titrait le JDD dans son article du 29 mars 2025. Avec une progression de 10 points par rapport à son score du premier tour en 2022, la cheffe de file du Rassemblement National semblait en position idéale pour conquérir l’Élysée en 2027.
Pourtant, en l’espace de 48 heures seulement, tout a basculé. Le tribunal correctionnel de Paris a reconnu Marine Le Pen coupable de détournement de fonds publics dans l’affaire des assistants parlementaires du Front national. La sentence est tombée : quatre ans de prison dont deux ferme (aménageables avec un bracelet électronique), 100 000 euros d’amende et surtout, une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire.
Contrairement aux cris d’indignation du Rassemblement National, cette décision judiciaire semble loin d’avoir choqué l’opinion publique française. Selon un sondage exclusif Cluster17 pour Le Point, 61% des Français approuvent cette condamnation, dont 43% la jugent même « tout à fait justifiée ». Ce chiffre révèle néanmoins une profonde fracture idéologique : plus de 90% d’approbation à gauche et chez Renaissance, contre seulement 18% chez les électeurs RN et 14% chez ceux de Reconquête.
Concernant la proportionnalité de la peine, 48% des Français l’estiment parfaitement proportionnée aux faits reprochés, tandis que 34% la considèrent excessive. Ce soutien populaire à la décision de justice contraste fortement avec la stratégie de victimisation immédiatement adoptée par le parti et sa dirigeante.
De la victimisation à la succession : les défis du RN
Face à cette situation sans précédent, Marine Le Pen a dénoncé une « décision politique visant à [l’]empêcher d’être élue ». Cette posture défensive, bien rodée au sein du mouvement lepéniste, montre aujourd’hui ses limites alors que plus de la moitié des Français (52%) jugent légitime son inéligibilité pour 2027.
Cette réaction révèle un rapport ambivalent à l’État de droit, le parti semblant n’accepter les décisions de justice que lorsqu’elles lui sont favorables. La question cruciale est désormais de savoir si Marine Le Pen épuisera tous les recours possibles pour tenter de revenir dans la course, quitte à fragiliser son parti, ou si elle acceptera de passer définitivement le flambeau.
Jordan Bardella, à seulement 29 ans, apparaît comme le successeur naturel de Marine Le Pen. Fort de son succès aux européennes de juin 2024 (près de 7,8 millions de voix et 30 sièges sur 81), il incarne le renouveau d’un parti qui cherche à normaliser son image. Toutefois, sa jeunesse et son expérience politique limitée pourraient constituer un handicap face à des adversaires plus aguerris.
L’ombre de Marine Le Pen continue par ailleurs de planer sur le parti, et la capacité de Bardella à s’émanciper réellement de cette tutelle reste à prouver. Comme l’a souligné un observateur politique : « Bardella doit maintenant montrer qu’il n’est pas simplement le « clone jeune » de Marine Le Pen, mais un leader capable de tracer sa propre voie. »
La droite traditionnelle et radicale en embuscade
À droite, plusieurs figures voient dans cette nouvelle donne l’opportunité de rebattre les cartes et de récupérer une partie de l’électorat RN potentiellement orphelin.
Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, apparaît comme le mieux placé pour capter une partie de l’électorat RN. Avec 28% des Français se déclarant satisfaits dans l’hypothèse où il accéderait à la présidence, son profil conservateur et sa ligne ferme sur des sujets comme l’immigration et la sécurité pourraient séduire les électeurs du RN en quête d’une alternative crédible.
Laurent Wauquiez, bien que plus centriste dans son approche, a également exprimé son intention de briguer l’Élysée. Cependant, son image de « réformateur modéré » pourrait limiter son attrait auprès des électeurs les plus radicaux du RN. David Lisnard, maire de Cannes et président de l’Association des maires de France, pourrait représenter une troisième voie avec son discours axé sur la défense des libertés locales et son opposition au centralisme parisien.
Du côté de la droite radicale, Éric Zemmour voit dans cette situation une opportunité de revenir au premier plan. Malgré son échec en 2022, il continue d’entretenir sa notoriété et n’a pas renoncé à ses ambitions présidentielles. « Je me prépare », a-t-il récemment déclaré sur BFMTV. Toutefois, son positionnement clivant limite sa capacité à élargir sa base électorale au-delà de son noyau dur.
Entre colère et satisfaction : une France divisée
Le sondage Cluster17 révèle que cette condamnation divise profondément l’opinion française : 33% des Français se déclarent satisfaits (principalement à gauche), 28% ressentent de la colère (majoritairement à droite) et 22% font preuve d’indifférence. Cette fracture émotionnelle illustre la polarisation persistante de la société française sur les questions liées au RN et à ses dirigeants.
Cette situation inédite pourrait avoir des effets contradictoires pour le Rassemblement National. D’un côté, elle pourrait renforcer le sentiment de persécution qui consolide le noyau dur des militants et créer un effet martyr favorable à court terme. De l’autre, elle risque de fragiliser la crédibilité du parti auprès des électeurs modérés et de provoquer des divisions internes lors de la transition de leadership.
Une épreuve de vérité pour le mouvement nationaliste
L’inéligibilité de Marine Le Pen constitue un moment charnière pour le RN. Au-delà des postures victimaires et des déclarations indignées, c’est la capacité du parti à se réinventer sans sa figure emblématique qui est en jeu.
Cette crise révèle la nature profondément personnelle et familiale du mouvement, qui depuis sa création fonctionne avant tout comme une entreprise dynastique – des Le Pen père à la fille, et maintenant peut-être à un héritier spirituel. Les prochains mois diront si le RN peut survivre à cette épreuve et continuer sa progression, ou si cette condamnation marque le début d’un reflux pour le mouvement nationaliste français.
Que pensez-vous de cette décision de justice ? La condamnation de Marine Le Pen est-elle justifiée selon vous ? Partagez votre opinion dans les commentaires ci-dessous.