Par Pascal Ellul, directeur de cabinet parlementaire et délégué départemental de Nouvelle Energie
Il y a dix ans, la France se dressait unie face à la barbarie. L’attentat contre Charlie Hebdo provoquait une mobilisation historique : quatre millions de personnes dans les rues, tous unis derrière les valeurs de la République. Une décennie plus tard, l' »esprit Charlie » révèle une profonde fracture au sein de la gauche française, entre ceux qui restent fidèles aux principes républicains et ceux qui les ont progressivement abandonnés.
Cette division ne date pas d’hier. Elle s’est creusée au fil des années, opposant deux visions irréconciliables. D’un côté, une gauche républicaine, héritière de Jaurès et de Clemenceau, qui continue de défendre avec conviction la laïcité et l’universalisme. De l’autre, une gauche qui, au nom d’un électoralisme mal pensé et d’un différentialisme culturel dévoyé, a choisi de composer avec les communautarismes.
Les figures de la gauche « Charlie » méritent notre respect. Ces intellectuels, ces élus, ces citoyens qui, malgré les pressions et parfois les menaces, maintiennent le cap des principes républicains. On pense à Caroline Fourest, à Elisabeth Badinter, mais aussi à tant d’autres qui, dans leurs écrits, leurs prises de position ou leur action quotidienne, défendent une vision universaliste de la République.
Le cas de Charlie Hebdo cristallise cette fracture. Tandis qu’une partie de la gauche continue de défendre le droit absolu à la satire et à la caricature, l’autre s’est engagée dans une dangereuse politique de l’accommodement. Ceux qui hier scandaient « Je suis Charlie » expliquent aujourd’hui qu’il faudrait « prendre en compte les sensibilités », quitte à rogner sur nos libertés fondamentales.
Le recul d’une partie de la gauche face à l’islamisme politique est d’autant plus préoccupant qu’il trahit les combats historiques de ce courant politique. La gauche fut historiquement le fer de lance de la lutte contre tous les obscurantismes. Si certains ont aujourd’hui déserté ce combat, d’autres continuent de le mener avec courage, refusant la facilité du relativisme culturel.
Cette fracture a des conséquences graves pour notre démocratie. En renonçant aux principes républicains, une partie de la gauche a non seulement trahi son histoire, mais elle a aussi créé un vide idéologique dangereux. Elle a laissé le champ libre aux extrêmes et fragilisé le pacte républicain qui fait la force de notre nation.
La commémoration du 7 janvier doit nous rappeler l’importance de ce combat. La gauche républicaine, celle qui refuse de céder sur les principes, montre qu’il est possible de conjuguer progrès social et défense intransigeante de la laïcité. Elle prouve que l’universalisme n’est pas un concept dépassé mais, au contraire, le meilleur rempart contre les replis identitaires.
L’héritage de Charlie n’appartient à aucun camp politique. Il est celui de tous ceux qui croient en une République une et indivisible, où la liberté d’expression n’est pas négociable, où la laïcité n’est pas relative, où l’universalisme n’est pas un gros mot. Ces valeurs transcendent les clivages traditionnels.
Dix ans après Charlie, le meilleur hommage que nous puissions rendre aux victimes est de soutenir ceux qui continuent de porter ces valeurs. Leur combat est celui de la République. Il mérite notre respect et notre soutien, car c’est aussi le combat de tous ceux qui croient en une France libre, laïque et fraternelle.

Pascal ELLUL est Directeur de cabinet parlementaire et représentant départemental de Nouvelle Énergie, le parti fondé et présidé par David LISNARD, Maire de Cannes et Président de l’Association des Maires de France