Par Pascal ELLUL Directeur de cabinet parlementaire et représentant départemental de Nouvelle Énergie
« C’est gratuit, c’est Nicolas qui paie. » Cette expression, devenue virale sur les réseaux sociaux, résume à elle seule l’exaspération d’une génération entière face à un système fiscal français qui a dérivé vers la confiscation pure et simple. Derrière ce mème grinçant se cache une réalité brutale : nous avons créé un monstre redistributif qui sacrifie les classes moyennes et les jeunes actifs sur l’autel d’un égalitarisme destructeur.
Le mythe de l’égalité par l’appauvrissement
Les chiffres sont têtus, même quand ils dérangent : la France est déjà l’un des pays les plus égalitaires au monde. Nos mécanismes redistributifs réduisent les inégalités de revenus de 25%, soit 10% de plus que la médiane européenne. Le rapport entre les 20% les plus aisés et les 20% les plus modestes passe de 8,4 avant redistribution à 4,3 après. Pour les déciles extrêmes, nous passons de 22,3 à 6,5.
Ces résultats devraient nous réjouir. Ils révèlent au contraire l’impasse idéologique dans laquelle nous nous enfonçons : l’obsession française de croire qu’il faut moins de riches pour avoir moins de pauvres. Cette logique de l’appauvrissement général est non seulement économiquement stupide, mais moralement contestable.
Nicolas, symbole d’une génération sacrifiée
Nicolas, 30 ans, est devenu en quelques mois le symbole viral d’une génération qui se sent pressurisée par un système fiscal dévorant. Ce trentenaire en chemise froissée, l’air dépité, incarne parfaitement cette réalité : 49% des Français ayant les plus bas revenus ne paient que 0,2% de l’impôt sur le revenu, tandis que la charge se concentre massivement sur les classes moyennes actives.
Regardons les chiffres sans détours : les contribuables situés entre le 50e et le 90e percentile de revenus supportent respectivement 26% puis 39,2% de l’impôt sur le revenu. Pendant ce temps, les 0,1% les plus riches – ceux qu’on accuse de tous les maux – ne contribuent qu’à 13,1%. Le système ne taxe plus les riches, il écrase les classes moyennes.
Cette inversion des priorités révèle l’hypocrisie de notre modèle : on prétend faire payer les riches mais ce sont Nicolas et ses semblables qui casquent. Ce qui n’était qu’une boutade s’est transformé en véritable étendard pour une jeunesse connectée, exaspérée par un système fiscal perçu comme oppressant.
Notre obsession redistributive nous fait perdre de vue l’essentiel : créer de la richesse pour tous plutôt que de la redistribuer jusqu’à l’épuisement. Les données sur les « gagnants et perdants » de la redistribution sont édifiantes : les ménages modestes voient leurs revenus multipliés par plus de deux (de 10 890€ à 25 330€), les ménages aisés perdent 58 110€ annuels.
Ce nivellement par le bas décourage l’effort, l’innovation et l’entrepreneuriat. Nous créons une société d’assistés d’un côté et de contributeurs épuisés de l’autre. Est-ce vraiment cela, la justice sociale ?
La France prélève déjà 46% de son PIB en impôts et taxes, record mondial. Nos dépenses publiques représentent 50% du PIB. À quel moment cessera-t-on de croire qu’on peut indéfiniment puiser dans les poches de ceux qui travaillent, créent et innovent ?
Un système à bout de souffle
Les 18-25 ans, pourtant faiblement imposés (seuls 16% d’entre eux paient l’impôt sur le revenu), sont 63% à estimer que ces taxes sont trop élevées. Plus révélateur encore : 27% des jeunes considèrent qu’il est justifié de tricher sur ses impôts si l’occasion se présente. Voilà où nous a menés notre égalitarisme forcené : à une défiance générationnelle qui mine les fondements même du consentement à l’impôt.
Le paradoxe est saisissant : nous avons le système redistributif le plus efficace d’Europe, mais il repose sur une fiscalité largement proportionnelle (TVA, CSG, cotisations sociales) qui pèse sur tous, et quelques impôts progressifs concentrés sur une fraction de la population. L’impôt sur le revenu, seul véritable impôt progressif, ne représente que 7% des prélèvements obligatoires.
Pour un big bang fiscal libérateur
Il est temps d’arrêter de sacrifier des générations entières sur l’autel d’un égalitarisme devenu confiscatoire. La solution n’est pas dans l’augmentation perpétuelle des prélèvements, mais dans une refonte totale de notre approche fiscale.
Un véritable big bang fiscal doit partir d’un principe simple : récompenser le mérite et l’effort plutôt que de les pénaliser. Cela passe par l’arrêt de la fuite en avant fiscale. Plutôt que d’augmenter sans cesse les prélèvements, questionnons l’efficacité de nos dépenses publiques. Avec 50% du PIB en dépenses publiques, nous pouvons évidemment mieux faire.
Cette refonte nécessite également une simplification radicale : notre millefeuille fiscal décourage les initiatives et nourrit l’injustice. Un système plus simple serait plus juste et plus efficace. Enfin, il faut retrouver l’équité contributive : que chacun contribue selon ses moyens, mais que cette contribution reste proportionnée et ne décourage pas l’effort.
Les critiques de la politique de redistribution estiment que celle-ci prévient l’enrichissement général car une politique de redistribution trop confiscatoire a tendance à accentuer l’expatriation fiscale des plus hauts revenus. Cette réalité, nous ne pouvons plus l’ignorer.
La vraie question n’est pas de savoir comment mieux redistribuer une richesse déclinante, mais comment créer plus de richesse pour tous. L’égalité par la prospérité vaut mieux que l’égalité par la médiocrité.
Nicolas paie, oui. Mais Nicolas en a assez. Et il a raison. Car derrière ce symbole viral se cache une vérité que notre classe politique refuse de voir : on ne construit pas une société juste en épuisant ceux qui la font vivre.
Il est temps de choisir : continuer dans cette fuite en avant redistributive qui décourage l’effort et nourrit les ressentiments, ou oser enfin le big bang fiscal qui redonnera espoir aux Nicolas de ce pays. L’avenir de notre modèle social en dépend.

Pascal ELLUL est Directeur de cabinet parlementaire et représentant départemental de Nouvelle Énergie, le parti fondé et présidé par David LISNARD, Maire de Cannes et Président de l’Association des Maires de France